Depuis ce matin, Emile, le petit lapin, ne tient plus en place. Il a entendu sa maman dire à son papa:
- Qui vole un œuf, vole un bœuf! Je ne veux plus que tu ailles arracher des carottes dans le jardin de cette gentille sorcière Alcibiade. Il faudrait mieux lui demander de nous les vendre.
Mais avec quel argent les paierons-nous?
- On  pourrait, peut-être, en échange de quelques carottes, lui rendre de menus services; par exemple, l'aider à les arracher. Ca, on sait faire! Ou bien, gratter la terre avec nos pattes pour préparer les semis! Que sais-je? Il y a plein de choses à faire! Et elle nous paierait en carottes; ce serait mieux que de voler!
- Bien, bien; dit Papa. Je vais aller la voir et lui parler de ta proposition.
Depuis qu'il a entendu cette conversation, Emile est très contrarié. Il ne sait comment faire? Hier matin, très précisément, alors qu'il dégustait avec délectation, une savoureuse carotte, dans le jardin d'Alcibiade, il a découvert sous les laitues, un bel œuf tout bleu! Et il l'a pris!
Mais "Qui vole un œuf, vole un bœuf!" a dit Maman! Et Emile sait bien que voler un bœuf, pour un petit lapin comme lui, c'est très grave! Que faire? Comment se débarrasser de cet œuf? Pas question de le remettre à sa place! Il ne voudrait pas se faire surprendre! Imaginez, si on découvrait qu'Emile est un voleur! Il se voyait traîné en justice, les fers aux pattes, sous les huées et les insultes! Quelle honte pour lui et sa famille! Son père ne le lui pardonnerait jamais!
Mais comment réparer son horrible forfait? Après maintes et maintes réflexions, Emile se dit:
"Cet œuf, ce n'est pas Alcibiade qui l'a pondu! Il appartient à quelqu'un! Je vais chercher sa propriétaire et le lui restituer. Ainsi je ne serai pas soupçonné  de malhonnêteté." Et voilà Emile en quête de celle à qui appartient ce bel œuf tout bleu.
Tout d'abord, il se dirige vers le poulailler. Les grosses pondeuses sont déjà à l'ouvrage et plus d'une a déposé dans son nid son œuf. Et elles caquètent, elles caquètent, elles caquètent à "tirelarigot".
- Regardez! Regardez mon bel œuf! C'est le plus beau de la journée! Perlette, la fermière sera très contente, Cot, Cot, Cot… Je veux qu'elle sache que c'est moi qui l'ai pondu!
- Non, mais, regardez-moi cette vaniteuse! As-tu bien regardé le mien? Il est plus gros, il est plus beau. Cot, Cot, Cot...-
C'est un comble! Ne pas se rendre compte que mon œuf est de la meilleure qualité…Cot, Cot, Cot…
"Le mien est le plus beau….le mien… le mien…"
J’ai rencontré, un beau matin, dans mon jardin ; Emile le petit lapin. Il m’a racontée son histoire. Faut-il y croire ? Je ne sais pas. Pour toi Marie, je l’ai écrite et illustrée. Et j’espère qu’elle te plaira ! Bon anniversaire.
Et voilà nos gallines de caqueter, de caqueter à qui mieux mieux et de se disputer, et les coups de becs pleuvant par ci et par là, c'était un charivari assourdissant dans le poulailler!
Comment se faire entendre dans ce vacarme!
Emile grimpa sur une caisse et se mit à tambouriner de toutes ses forces avec ses pattes pour obtenir le silence. Toutes les poules se figèrent et le regardèrent:
- Heu… Bonjour, mesdames les Poules… Excusez… J'arrive peut-être au mauvais moment… mais… enfin…. je voudrais…
- A la fin, vas-tu nous dire ce que tu veux; pour te permettre d'interrompre notre conseil? Lui dit la plus âgée.
- Eh bien, ce qui m'amène ne souffre aucun retard. Et je ne me serais pas permis de vous déranger en plein débat philosophique sans un motif de la plus haute importance. J'ai trouvé un œuf. Un très bel œuf. Et comme "qui vole un œuf, vole un bœuf" ; je ne peux pas le garder. A laquelle d'entre vous appartient-il, mesdames? Et Emile ouvre le sac où il avait rangé l'œuf. Les poules se précipitent vers lui en criant toutes à la fois:
"Il est à moi! Il est à moi!…"
Mais, en y regardant de plus près, elles s'écrient en chœur:
- Te moques-tu!? Pour qui nous prends-tu?! Un œuf Bleu! C'est une contrefaçon! Avons-nous des têtes à pondre des œufs de cette sorte! Hors de notre vue! Et plus vite que ça! La plaisanterie n'a que trop durée
Et le pauvre Emile se sauve sous les huées, les injures et les coups de becs rageurs de la gent gallinacée courroucée au plus haut point. Le pauvre petit, ne dut son salut qu'à la vitesse de ses pattes!
Tout haletant, il s'arrêta au bord d'un étang. De beaux cygnes immaculés faisaient des arabesques majestueuses. Emile les admira un moment, puis s'aventura timidement à les interpeller.
- S'il vous plait… Pourriez-vous me dire… Cet œuf, n'appartiendrait-il pas à votre famille?
Les cygnes gagnèrent le bord élégamment et observèrent l’œuf un longuement et sérieusement. Ils se concertèrent et se perdirent dans des conciliabules sans fin. Puis, le plus sage prit la parole et dit d’un ton sentencieux :
- Cet œuf n’est pas un œuf de cygne. Il est trop petit pour être celui d’une autruche, trop gros pour être celui d’une mésange, trop coloré pour un œuf de pigeon et trop lourd pour celui d’un piaf.
Les autres cygnes opinèrent du col en cadence pour exprimer leur accord.
-Mais à qui donc est cet œuf ? Je ne suis pas plus avancé ! dit Emile au bord des lar
Il était prêt à abandonner sa quête, quand une cane et ses petits défilèrent devant lui, se dandinant de la queue, cancanant  et coincoinant  Emile les interpella:
- Pourriez-vous me renseigner? Est-ce un œuf de cane?
La cane s'approcha, mit ses lunettes, hocha la tête et dit:
- Mon pauvre petit, je crois que ta découverte ne vaut rien. Cet œuf me paraît gâté. Mais je peux me tromper. Tu peux essayer de le vendre à la foire de la ville.
Emile trouva l'idée excellente! Avec le produit de sa vente, il pourrait acheter toutes les carottes qu'il voudrait, sans avoir ni à travailler (ce qui ne lui plaisait pas trop), ni à voler, (ce qui lui semblait trop laid).
Il partit vers la ville, arriva sur le coup de dix heures. La foire battait son plein. Une grande affluence s'y pressait et les acheteurs étaient nombreux. Emile s’installa, bien en vu et attendit. Les passants regardaient son œuf d'un drôle d'air, certains faisaient des réflexions désobligeantes. Mais Emile faisait comme si de rien n'était.
Il attendit toute la journée, sans succès. Le découragement, la fatigue et le chagrin eurent raison de lui. Surtout lorsqu'il vit passer devant lui le marchand de carottes qui s'en retournait chez lui avec les invendues. Alors il se mit à pleurer, à pleurer, à pleurer si fort et si longtemps sur son œuf tout bleu, que celui-ci se mit à perdre sa couleur. Et sous le bleu, il y avait du rouge, sous le rouge du vert et sous le vert du jaune. Emile se mit à lécher son œuf pour savoir ce qu'il y avait sous le jaune… Eh bien c'était… c'était… c'était du chocolat blanc! Du chocolat blanc dont il  se délecta tout seul!
Son œuf bleu était un œuf de Pâques qu'Alcibiade avait caché peut-être pour lui, qui sait? Il préférait penser que c'était pour lui car: Qui vole un œuf vole un bœuf ! FIN
Nicole Brunel, 30 novembre 2007
Ce dix-sept janvier mille neuf cent quatre vingt onze, la maîtresse d’école s’était levée plus triste, plus malheureuse et plus fatiguée que jamais.
D’autant que l’ambiance environnante n’était pas à la fête. Depuis des semaines, des bruits de bottes se faisaient entendre dans le Golfe, où, les troupes de Sadam Hussein, le président dictateur de l’Irak avaient envahi le Koweït. Les américains se préparaient à entrer en action.
Et ce matin du dix-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-dix, la radio diffusait sans cesse des nouvelles alarmantes qui annonçaient que la guerre du Golfe avait commencé.
 
En arrivant dans sa classe, son cœur était lourd. Heureusement, aujourd’hui, c’était l’anniversaire d’Arnaud. Selon la tradition, on allait le fêter. Les copains inventeraient une histoire pour Arnaud, on lui écrirait de jolies choses, on lui ferait des cadeaux et on partagerait le gâteau après qu’Arnaud ait soufflé toutes ses bougies. Pensez ! Six bougies ! C’était « le premier six ans ! » Les autres enfants étaient plus jeunes et certains devraient attendre encore plusieurs mois avant de les avoir ! Six ans ! Le passeport pour aller à la grande école !
Cette journée serait bonne et lui ferait oublier toutes les mauvaises nouvelles.Comme d’habitude, lorsque tous les enfants furent arrivés, la porte fermée, enfin seule avec eux ; elle les réunit comme chaque matin devant elle, en rond, sur le tapis, face au tableau. C’était rituel. Un moment collectif et riche. Le moment où la maîtresse faisait l’appel et reconnaissait chacun d’eux, le moment propice aux confidences ; le moment privilégié où ils s’exprimaient librement, parlaient de leurs problèmes, de leurs difficultés, (car les enfants en ont, hélas !)
 
Après avoir mis à jour le calendrier, écrit la date, fait l’appel, elle commença une phrase :
- Aujourd’hui c’est…….
(Elle s’apprêtait à annoncer : aujourd’hui c’est l’anniversaire d’Arnaud, et nous allons fêter comme il se doit celui qui,
le premier, a six ans !)
Et une petite voix s’éleva :
- Aujourd’hui, c’est la guerre !
Arnaud enchaîna :
- Aujourd’hui, c’est mon anniversaire et c’est la guerre ! Joli cadeau qu’on m’a fait !
Le silence s’abattit sur la classe. La maîtresse, prise au dépourvu ne savait comment enchainer. Un malaise pesant se prolongeait.
A cet instant, un avion survola l’école à basse altitude comme cela arrivait souvent. Tous sursautèrent et regardèrent vers la
fenêtre. Un sentiment de peur et d’insécurité se mit à planer. Damien regardait du côté de la fenêtre et sur son visage se peignait
une angoisse, aggravée par un caractère naturellement inquiet.
La maîtresse avait suivi le regard de Damien. Elle avait compris.
- Rassure-toi Damien. Cet avion ne vient pas nous bombarder. La guerre, elle est loin, très loin de chez nous. Nous ne risquons rien aujourd’hui.
Mélanie s’était mise à pleurer. C’était plutôt de soulagement. Cela lui avait fait du bien. On commençait à mieux respirer dans la classe.
On allait fêter le premier six ans et cela les occuperait toute la journée.
Pourtant, le soir, seule dans son appartement, la maîtresse était songeuse. Elle pensait à ses enfants, à leur peur, leur angoisse. Elle sentait qu’elle devait faire quelque chose, ne pas éluder ce problème. Mais comment aborder ce sujet, sans choquer les enfants, sans prendre parti, en restant neutre, et surtout, avec l’assentiment des parents ! Elle marchait sur des œufs ! Que faire ?
Cette nuit-là, elle oublia ses problèmes, et son insomnie fut peuplée d’idées, d’actions et de démarches. Le lendemain, en arrivant dans sa classe, sa décision était prise. Elle aborderait ce sujet, mais avec l’accord, l’aide et l’assentiment des parents.
Elle avait décidé de convoquer les parents à une réunion d’information, le samedi suivant. Elle accrocha une affiche à la porte de la classe, les invitant à venir à l’école le samedi 22 janvier à dix heures.
Ce jour-là, la majorité des parents étaient là. Curieux de savoir ce qui motivait cette réunion. D’emblée, la maîtresse se jeta à l’eau. Elle parla de la peur, des angoisses, des craintes de leurs enfants.
- Depuis plusieurs semaines, la télévision déverse son lot d’images choc, chars d’assauts, bombardements, affrontements des troupes. Vos enfants sont perturbés par ces images. Si vous n’y prenez pas garde, nous allons constater bientôt des troubles du sommeil ou du comportement. Je vous ai réuni pour vous mettre en garde et aussi pour vous proposer de les libérer de toutes les peurs. J’ai l’intention d’aborder le sujet de la guerre, de les faire s’exprimer. Je vous demande votre assentiment et si vous me faites confiance, nous essaierons ensemble d’exorciser cet état de fait, qui nous oblige à vivre dans un climat difficile.
Devant l’attitude coopérative et positive des parents, et certains avouèrent avec quelque honte, qu’ils n’avaient pas mesuré l’impact des images sur ces jeunes êtres, elle décida de se mettre au travail dès le lundi. Elle n’avait pas trop de tout le weekend pour bâtir son projet. 
Le lundi, elle rassembla comme de coutume les enfants autour d’elle et après les opérations d’usage, elle dit :
- L’autre jour, vous m’avez parlé de la guerre qui se passe loin de chez nous, dans un pays qui s’appelle l’Irak.
Je pense que vous avez vu beaucoup d’images à la télé, que vous avez entendu autour de vous beaucoup de remarques, de réflexions. Mais moi, ce qui m’intéresse, c’est de connaître votre avis, de savoir ce que vous pensez de la guerre. Parce que, elle est loin, bien sûr, mais il y a longtemps, avant votre naissance, la guerre était chez nous. Que diriez-vous à nos soldats si vous le pouviez ?
Que voulez-vous dire à nos soldats ?
Tout en parlant, la maîtresse avait installé son petit magnétophone. Elle le brancha, puis chercha une bande vierge mais sans succès. En dernier ressort, elle choisit une bande déjà enregistrée. Tant pis, elle était prête à la sacrifier à la cause. C’était un enregistrement de Mozart qu’elle faisait écouter souvent aux enfants, pour goûter un moment de calme : La Messe du Couronnement, suivie des Vêpres Solennelles. 
Elle laissa la bande s’enregistrer. Les enfants se mirent à parler, d’abord timidement, puis de plus en plus vite, les pensées fusaient.
Le soir, dans le silence de son salon elle réécouta les voix des petits « bouts d’choux ».
« Moi, je ne sais pas quoi dire… »
« J’espère que vous allez retrouver vos enfants ».
« J’espère que allez retrouver aujourd’hui ou demain vos enfants ».
« J’espère que vous allez revenir très vite  en France ».
« J’espère que vous allez retrouver votre famille ».
« J’espère que vous allez retrouver votre maison »
« J’espère que vous allez bientôt retrouver votre femme ».
« J’espère que vous allez retrouver votre papa ».
« J’espère que vous allez bientôt revenir ».
 
Que pensez-vous de la guerre ?
« J’espère que cette guerre s’arrêtera bientôt ».
« C’est pas beau la guerre ».
«  Dans la guerre, il fait pas beau ».
«  Arrêtez la guerre ! ».
« Ceux qui veulent la guerre sont des zinzins ! ».
« J’espère qu’il y aura pas beaucoup de blessés ».
« J’espère qu’il y aura pas trop d’explosions ».
« Il faut qu’ils posent leurs armes ! ».
« Tous les soldats doivent poser leurs armes ! ».
« Et détruisez les armes ! ».
 
Quels messages voulez-vous adresser à nos soldats ?
« Il fait beau aujourd’hui ».
« Demain, c’est Mardi Gras ».
«  On pense à vous à l’école Camille Desmoulins ! ».
« A l’école Camille Desmoulins, on vous aime très fort ! ».
« Chez nous, on est protégé ».
Que d’espoirs exprimés ! Que de phrases commençant par : « j’espère… » ! Que d’espérances !
La  maîtresse écoutait et réécoutait ces dernières notes d’espoir qui se prolongeaient par la musique de Mozart, qui, bien qu’amputée de quelques notes- mais il y en avait tant chez Mozart !- ajoutait une note de plus à cet enregistrement : l’émotion. Elle décida de ne pas l’effacer. Mais une question  cruciale se posait. Comment faire parvenir cette cassette à leurs destinataires si loin, là-bas dans le Golfe ?
Elle s’endormit sans trouver de réponse, mais cette nuit, elle dormit plus sereinement. Son radio réveil se mit en route comme tous les matins vers six heures trente. Il déversait son flot de mauvaises nouvelles. Mais soudain, la voix du ministre des armées se fit entendre :
« Si vous voulez soutenir nos troupes, si vous voulez leur apporter un peu de chaleur, vous pouvez leur écrire. Adressez vos lettres à Paris, au ministère et nous nous chargeons de les acheminer vers le Golfe. Vos lettres seront distribuées au hasard, à nos soldats. Soyez nombreux à leur écrire. Je vous en  remercie en leur nom ».
En arrivant en classe, elle annonça :
« Votre cassette nous allons l’envoyer à nos soldats. Je sais à qui l’adresser. Mais je ne sais pas qui va la recevoir
et si nous recevrons une réponse. C’est loin le Golfe et avec la guerre…. »
« Ca fait rien maîtresse. Mais on pourrait aussi faire des dessins ? »
« Et aussi écrire une lettre…. »
« Et même des photos de nous… »
«Et aussi une lettre de toi pour expliquer… »
« Et si les parents mettaient un petit mot aussi ? »
« Il faudra une grande enveloppe ; on peut ?... »
« Bien sûr ! Vous avez de bonnes idées ! Allez, au travail et tout de suite ! Moi, je ferai ma lettre tranquillement chez moi,
ce soir.
Et je vais mettre une grande feuille de papier à la porte de la classe et inviter les parents à écrire quelque chose ». 
 
Chacun se mit à l’ouvrage, le cœur vaillant et léger, conscient d’accomplir quelque chose de grave et qui les engageait.
Il fallut plusieurs jours pour mettre au point ce merveilleux projet. De la guerre et de la peur qu’elle inspirait, il n’en était plus question.
Toute l’énergie était dirigée vers cet envoi que l’on allait faire. Les enfants mettaient tout leur cœur pour faire les plus beaux dessins
dont ils étaient capables. Ils n’avaient qu’un seul désir : faire plaisir et apporter de la joie à un soldat avec des crayons de toutes les
couleurs.
La maîtresse avait fait quelques photos des enfants, pendant la récréation, en train de courir dans la neige, de faire des boules de neige, de tirer une luge et même de pousser un traîneau avec une maîtresse qui s’amusait autant que les enfants.
Elle avait acheté une carte postale représentant un edelweiss :
- Nous joindrons cette carte à notre envoi. L’édelweiss est une fleur porte-bonheur et nos soldats en ont grandement besoin.
Mais ce qu’elle taisait à ses enfants, c’était la vraie raison de ce choix. Elle se souvenait d’une carte que sa mère avait reçu en 1940 de son père. Elle était faite d’un édelweiss, une vraie, qu’il avait cueilli lui-même, en escaladant un sommet. Il était soldat dans l’artillerie de montagne et son régiment était cantonné dans les Alpes. Et sur la carte, il avait tracé ces mots : « J’ai cueilli cette modeste fleur pour toi, en risquant une chute, dans l’espoir qu’elle nous porte bonheur et que nous soyons un jour réunis »
Le dimanche qui suivit, La maîtresse rédigea sa lettre.
 
A notre soldat du Golfe, inconnu St-Quentin, le 14 février 1991.
Je suis institutrice à l’école Camille Desmoulins
Nous espérons que la lettre, la cassette, les dessins et les photos vous parviendront. Nous ignorons qui recevra cet envoi. Qui le lira. Nous ignorons si nous aurons une réponse ; mais, d’avoir accompli cette démarche a donné de l’espoir à mes enfants qui ont entre cinq et six ans.
PS : Dernière minute Vendredi 15 février :
« Au moment d’écrire l’adresse sur l’enveloppe, Mme. C. nous a communiqué votre nom et votre adresse. Vous allez avoir vingt ans dans quelques jours là-bas loin de la France. Vous vous êtes engagé comme chauffeur dans les services de santé à 15 km/ de Riad. Vos parents sont inquiets mais ils seraient heureux que cet envoi vous parvienne.
C’est donc à vous Dominique que cette enveloppe est destinée. Nous vous souhaitons, bonne réception et nous espérons une réponse ; en attendant peut-être de vous rencontrer à votre retour. Bon courage et BON ANNIVERSAIRE ! »
Mathilde
 
RIAD, ARABIE SAOUDITE Vendredi 21 mars 1991 :
La journée avait été rude. Une chaleur accablante plombait l’atmosphère. Les opérations avaient été dangereuses et il y avait eu de la casse. Des chars s’étaient ensablés. De violents engagements avaient eu lieu et une escouade était tombée dans une embuscade. Heureusement, il n’y avait que quelques blessés légers. Dominique L. avait sillonné le désert toute la journée au volant de son ambulance ; et il avait ramené les blessés sous la tente qui servait d’hôpital de fortune.
Vers cinq heures, il faisait déjà nuit depuis longtemps. Il remisa son véhicule et se dirigea vers son campement. Le vaguemestre était en train de distribuer le courrier. Moment privilégié où tous se massaient en rond dans l’espoir d’avoir une lettre de France. 
- Soldat Dominique L., une lettre de Saint-Quentin !
- De Saint-Quentin ? Je ne connais personne là-bas !
- C’est ton nom oui ou non ?
- Oui
- Alors prends !
Quelques copains entouraient Dominique. Ceux, moins heureux qui n’avaient pas eu de courrier ce jour-là et qui l’enviaient, qui voulaient partager avec lui ces nouvelles de cette France si lointaine.
- Qui est-ce qui t’écrit ?
- Mathilde. Mais je ne connais pas de Mathilde ! Et surtout pas à Saint-Quentin !
- C’est où Saint-Quentin ?
- Une ville de l’Aisne, à vingt kilomètres de mon bled.
- Et bien lis !
Et Dominique se mit à lire… Mais peu à peu tous les copains s’étaient rapprochés de lui, et, assis en rond sur le sable,
écoutaient…
«  Je suis institutrice….. »
- Oh ! Regardez ! Il y a des dessins d’enfants, des photos, et même une cassette !
- Il faut l’écouter ! Je vais chercher mon magnétophone, s’écria l’un d’entre eux.
Et dans la nuit étoilée d’Irak, les petites voix frêles, fraîches et innocentes se firent entendre.
Ces petites voix pures et cristallines parlaient à leurs cœurs. Les officiers s’étaient mêlés à eux.
«  J’espère que vous allez retrouver vos enfants….
Arrêtez la guerre !
On pense à vous….et on vous aime très fort…. »
Les gorges se nouaient, les yeux s’embuaient ;  et la nostalgie les ramenaient bien loin de là, auprès de leurs proches.
Mais quand les voix enfantines se turent, la musique de Mozart s’égrena dans l’air. Un profond silence se fit et l’émotion était à son comble.
 
Mardi 22 avril 1991 à l’Ecole Camille Desmoulins
En arrivant le matin dans sa classe, la maîtresse repéra tout de suite l’enveloppe entourée de bleu, blanc, rouge et le timbre de l’armée.
Elle attendit avec impatience l’arrivée de tous ses élèves. Puis, les réunit devant le tableau, elle brandit sans un mot la lettre. Aussitôt des cris s’élevèrent :
- Maîtresse, c’est une lettre de Dominique ?
Car Dominique était maintenant un personnage très familier et il ne se passait pas un jour sans que l’on parlât de lui.
- Ouvre vite la lettre maîtresse !
 
« Chère Mathilde et chers enfants
Depuis que j’ai reçu votre lettre, je ne pense qu’à vous et je n’ai qu’un désir, c’est de rentrer au plus vite en France et de vous rendre visite à votre école pour vous voir, vous embrasser, faire votre connaissance et vous remercier de toutes ces belles choses que vous m’avez envoyées.
Votre lettre m’est parvenue le jour où j’étais le plus triste. J’avais vu des camarades blessés, beaucoup de pauvres gens malheureux à cause de la guerre. Et en plus, c’était le jour de mon anniversaire. J’avais vingt ans, et j’étais loin de mes parents, de mes amis et de mon pays.
Mais grâce à vous, cet anniversaire a été le plus beau et le plus mémorable de ma vie.
J’ai partagé ce beau cadeau avec tous mes copains et nous avons bu à votre santé !
J’espère revenir avant le mois de juin et vous redire tout ça de vive voix.
Dominique L.
 
- Maîtresse, tu crois qu’il reviendra ?
- Oui, maintenant, j’en suis sûre ! Il a trop envie de vous connaître !
A partir de ce jour, on attendit.
Puis, un après midi de juin, le 25 exactement, on frappa à la porte.
- Bonjour, je suis Dominique.
Fait à Sigean en août 2010
 
 
MESSE DU COURONNEMENT
Dix-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-onze
Odile Torra crée de petites sculptures en pâte à sel très " parlantes à Nicole Brunel ".
Les tableau qui servent de "décor" ont été peints par Mireille Rigole
Trompette mon amie, compagne de mes jours et de mes nuits, toi qui naquis un jour pour sonner la victoire,
Combien de fois par-dessus le fracas, as-tu sonné aussi la retraite humiliante ?
Sois sage cette nuit et tiens-toi tranquille.
Quand au bruit et à la fureur succèdent le silence et le recueillement, Il faut savoir se taire, attendre des jours meilleurs, des jours radieux, joyeux et heureux.
Pour se faire à nouveau entendre.
Trompette mon amie
La joie est dans ton cœur ?
Tu en as de la chance !
Surtout ne la gaspille pas
Et dispense-là généreusement autour de toi.
Car c’est la clé des cœurs, la clé du bonheur.
Que ma joie demeure
Personne n’entrera ce soir dans notre maison.
Ce soir, tous les écrans sont noirs ; la radio est muette ; téléphone et portables endormis, dans  la maison  bien close. Et moi, si je suis triste à mourir, j’en connais bien la cause.
-Dis Maman, lis-moi quelque chose. Quelque chose de gentil, quelque chose de joli. Dis-moi l’histoire du papillon et de la rose ;  Et de toutes ces choses qui font la beauté de la vie.
Dis Maman, lis-moi de la prose. Et je te promets deux choses : Ce soir j’écouterai sans bouger, sans changer de pose. Ce soir, je ne m’endormirai pas avant, que le livre fermé, sur la table tu ne le poses. Car ce soir, de pleurer je n’ose. Lis-moi quelque chose…
L’heure du conte
Hello ! Hello Monsieur ! Regardez, nous sommes sœurs jumelles.
Et voulez-vous bien nous dire qui est la plus belle ?
-Mon dieu, mesdemoiselles, le choix n’est pas aisé à faire. Entre les deux mon cœur balance.
-Monsieur, choisissez-moi, la bleue, puisqu’aujourd’hui, c’est votre jour de chance.
-Ah non, choisissez-moi plutôt, la rose. Et voyez comment, merveilleusement je pose !
-La bleue, la rose ? La bleue, la rose ? En vérité je n’ose…Et pour être tout à fait honnête, Je vous dirais mesdemoiselles, que vous êtes, à mon goût, un peu trop coquettes.
LES JUMELLES
-Tu viens FIFI ? Le soleil nous fait un clin d’œil. Il nous invite à prendre un bon bain
Pour étrenner nos jolis maillots de satin ?
-Mais tu es folle Nana ! Ne sais-tu pas qu’il nous est interdit, de mettre un seul orteil dans l’eau de l’océan par arrêté préfectoral, sous peine d’un procès verbal ?
-Mais pourquoi donc, bon sang ! Je ne vois pas où est le mal !
-C’est tout bonnement à cause de la montée des eaux des océans !      
LES BAIGNEUSES
-Où vas-tu petit escargot,  avec ton cartable sur le dos ?
-Je ne suis pas un escargot, je suis simplement un poulbot
Qui s’en va tout seul au boulot, et je n’ai pas de cartable sur mon dos.
-Qu’est-ce donc que cette bosse, que j’aperçois là, beau gosse ?
-Ce n’est pas une bosse,  je ne suis pas beau gosse. Et je pars pour l’Ecosse.
-Vas-tu enfin vider ton sac, et me montrer ce qu’il y a dedans, en vrac ?
-Bien sûr, vois-tu, je ne suis qu’un ange.
Et tes ailes, me diras-tu ? c’est dans le grand sac je les range.
Le sac à dos
Pourquoi n’es-tu pas là ? Il y a si longtemps que j’attends.
Les heures ont succédé aux heures, et tu n’es pas venu.
Pourtant, je n’ai pas pu te manquer. J’étais là bien avant l’heure fixée.
Soudain ton silence occupe tout l’espace et l’angoisse m’étreint.
Où es-tu donc passé ? Que t’est-il arrivé ?
Je ne saurai jamais…
Le Rendez-vous manqué
Taisez-vous. Faites silence.
Il n’y a pas de mots pour décrire l’outrance.
Soyez dignes et laissez-moi toute seule
Je suis anéantie par le poids des mots et je pleure.
LE POIDS DES MOTS
Il y a si longtemps, si longtemps,
Il y a si longtemps que j’attends.
Que j’attends le jour où tu reviendras
Et que, comme autrefois, tu m’apporteras
Un bouquet d’immortelles,
Semblable à celui que tu m’offris, souviens-t’en, quand j’étais demoiselle.
LE BOUQUET
-Pourquoi faut-il que chaque fois que je veux me reposer, quelque chose vienne me perturber ?
Pas moyen d’y échapper. Je suis damné !
Et personne dans les parages à qui m’adresser !
Ah ! Dans cette affaire, je suis bien la plus ennuyée.
Mais donc va m’en délivrer ?
-Te délivrer de quoi
A dit un iroquois ?
-Mais de la puce qui monte, monte, monte, et ne cesse de me piquer !
LA PUCE
-Quand allons-nous nous marier mon ami ?
-Nous marier ? A notre âge ma chérie?
-Mais il n’y a pas d’âge pour se marier.
-Qu’en penserait-on autour de nous ?
- Voyons, réfléchissez : ne sommes-nous pas bien ainsi tous les deux sur le même canapé ?
-Mais ma chérie, ce n’est pas un canapé. Nous sommes sur mon voilier et je vous emmène au fil de l’eau.
Cela devrait vous suffire non ?
-Je crois surtout mon ami, que vous me menez en bateau ! Adieu !
LA DEMANDE EN MARIAGE
Je voudrais, si c’était possible m’embarquer un jour sur un de ces voiliers.
Moi, qui n’ai jamais pu quitter ni ma cuisine, ni mes marmites,ni mon tablier, je me prends souvent à rêver.
Et je les suis par la pensée. Où s’en vont-ils ainsi par delà les nuages ?
Vers quels pays lointains font-ils gonfler leurs voiles ?
Quels vents les poussent jusques sur les rivages des îles enchantées ?
Soudain, la cloche sonne. Je reprends pied dans la réalité et j’annonce bien fort pour tous les invités :
Madame est servie.
INVITATION AU VOYAGE Ou LA RÊVERIE DE MELANIE
-C’est moi ! Coquette la poulette qui cotcodette.
-Je suis Albin le poussin et j’ai perdu mon chemin. Je peux entrer dans la maison-potiron ?
-Entre, entre donc, mais fais bien attention à mon bel œuf tout rond !
Les voilà deux maintenant dans la maison-potiron. Coquette la poulette qui cotcodette et Albin le poussin qui a perdu son chemin. Et bien sûr, le bel œuf tout rond. Viennent à passer Câlin, Malin et Coquin, trois petits lapins qui chantent en latin.
 
-Oh ! La jolie maison-potiron ! Qui habite et qui chante dans la maison-potiron ?
-C’est nous Coquette la poulette qui cotcodette et Albin le poussin qui a perdu son chemin et mon bel œuf tout rond. Et vous, qui êtes-vous ?
-C’est nous, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin. On peut entrer dans la maison-potiron ?
-Entrez, entrez donc, mais faites bien attention à mon bel œuf tout rond.
 
Les voilà cinq maintenant dans la maison-potiron : Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin. Et bien sûr le bel œuf tout rond !
Vient à passer Léon l’ourson qui joue du violon.
-Oh ! La jolie maison-potiron ! Qui habite et qui chante dans la jolie maison-potiron ?
-C’est nous, Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latinet mon bel œuf tout rond ! Et toi qui es-tu ?
-Je suis Léon l’ourson et je joue du violon. Je peux entrer dans la jolie maison-potiron ?
Entre, entre donc, mais fais bien attention à mon bel œuf tout rond !
Les voilà six maintenant dans la maison-potiron : Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin et Léon l’ourson qui joue du violon Et bien sûr, le bel œuf tout rond !
ET C’EST LA FËTE DANS LA MAISON-POTIRON !
Vient à passer Fanchon le girafon
-Oh, la jolie maison-potiron ! Qui habite et chante dans la maison-potiron ?
-C’est nous, Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin, Léon l’ourson qui joue du violon et bien sûr, mon bel œuf tout rond ! Et toi, qui es-tu ?
-Je suis Fanchon le girafon qui joue du mirliton. Je peux entrer dans la jolie maison-potiron.
-Entre, entre donc mais fais bien attention à mon bel œuf tout rond.
Les voilà sept maintenant dans la maison-potiron : Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin, et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin, Léon l’ourson qui joue du violon et Fanchon le girafon qui joue du mirliton. Et bien sûr, le bel œuf tout rond !
Vient à passer Herman le caïman.
-Oh ! La  jolie maison-potiron ! Qui habite et qui chante dans la maison-potiron ?
-C’est nous : Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin, Léon l’ourson qui joue du violon, Fanchon le girafon qui joue du mirliton et mon bel œuf tout rond. Et toi qui es-tu ?
-Je suis Herman le caïman et je jour du tam-tam. Je peux entrer dans la maison-potiron ?
-Entre, entre donc, mais fais bien attention à mon bel œuf tout rond.
Les voilà huit maintenant dans la maison-potiron : Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin, Léon l’ourson qui joue du violon, Fanchon le girafon qui joue du mirliton et Herman le caïman qui joue du tam-tam. Et bien sûr, le bel œuf tout rond !
Vient à passer Isidore le dinosaure du Périgord.
-Oh, la jolie maison-potiron ! Qui habite et qui chante dans la maison-potiron ?
-C’est nous : Coquette la poulette qui cotcodette, Albin le poussin qui a perdu son chemin, Câlin, Malin et Coquin, les trois petits lapins qui chantent en latin, Léon l’ourson qui joue du violon, Fanchon le girafon qui joue du mirliton, Herman le caïman qui joue du tam-tam et mon bel œuf tout rond. Et toi, qui es-tu ?
-Je suis Isidore le dinosaure du Périgord. Je peux entrer dans la maison-potiron ?
-Non, non et non ! N’entre pas dans la maison-potiron. Il n’y a plus de place et j’ai peur pour mon bel œuf tout rond !
Mais Isidore le dinosaure du Périgord ne l’entend pas de cette oreille !
Il veut entrer dans la maison-potiron ! Il veut faire la fête et chanter, et danser la chanson des blés d’or !
-Isidore le dinosaure du Périgord, n’entre pas dans la maison-potiron ! Retourne chez toi dans le Périgord.
Mais Isidore, pousse, pousse, pousse très fort…..Et voilà !.....
BOUM BOUM BADABOUM BADABOUM !
C’était fini la maison-potiron. C’était fini les chansons ! Fini pour de bon, le violon, le mirliton, le tam-tam.
Alors chacun est reparti dans son pays.
Coquette la poulette se retrouve bien seulette. Elle est toute tristounette. Plus de COTCODETTE !
C’est alors qu’elle a entendu un tout petit bruit qui faisait :
« cui, cui, cui ! Il fait bon ici !
Dans la bagarre, le bel œuf tout rond s’est ouvert. Et il en est sorti un drôle de poussin ! UN POUSSIN ROUGE ET VERT !
-Cette histoire m’a mise toute à l’envers ! dit Coquette. Je n’ai jamais vu de poussin pareil !
Mais le bébé a ouvert le bec et il a dit :
-MAMAN J’AI FAIM !
-Mon petit ! Comme je t’aime ! Viens rentrons à la ferme. Tu auras du grain.
Très fière, Coquette a traversé la cour de la ferme avec son drôle de bébé poussin rouge et vert.
Intriguées, toutes les poules et même le coq,  sont venus le voir de près.
-Quel drôle d’oiseau ! A dit le coq.
Drôle d’oiseau ? Drôle d’oiseau ? Et le drôle de poussin s’envole, et se perche sur  la branche du cerisier en répétant : -Drôle d’oiseau ! Drôle d’oiseau ?!
-Il parle ! Il parle ! C’est mon enfant ! Et c’est un perroquet et il chante ! a déclaré Coquette.
Coin, coin, coin, coin, coin, coin,
Il cancane, il cancane. (2 fois)
Le canard de mon voisin.
Sous la pluie, sous la pluie,
Il barbotte, il barbotte (2 fois)
En faisant des clapotis.
Coin, coin, coin, coin, coin, coin,
Dans la mare, dans la mare. (2 fois)
Le canard fait son shampoing.
Plume bleue, plume bleue,
C’est la fête, c’est la fête (2 fois)
C’est la fête quand il pleut ! FIN
Ce matin, dans le jardin, Coquette la Poulette a trouvé un bel œuf, tout beau, tout chaud, tout gros et tout brillant.
Elle court vers le poulailler où ses sœurs les poules dorment encore.
-COT, COT, CODEC ! COT, COT, CODEC ! A qui est ce bel œuf ? A qui est ce bel œuf ?
- Mais qu’est-ce que tu as à crier de la sorte, lui dit le coq très en colère ! Qui t’a permis de réveiller tout le monde ?
- Je dois savoir à qui appartient cet œuf. Je ne peux pas le garder. Ce serait du vol et : QUI VOLE UN ŒUF ? VOLE UN BŒUF !
- Montre-le-moi, dit une vieille poule.  Cet œuf est très bizarre. Il n’est pas à nous ! Vas voir du côté des canards. C’est peut-être une cane qui l’a perdu.
L'HISTOIRE DE COQUETTE LA POULETTE
- Eh bien, comme te voilà arrangée ma pauvre ! Je crois que tu as besoin de soins. Etoile prend Nora dans ses bras. Elle la cajole ; elle la console ; elle la caresse. Nora se laisse faire.
-Viens, je t’emmène chez moi. N’aies pas peur, là où j’habite, il y a plein d’animaux, et on les traite bien. Tu seras bien soignée. Je travaille dans un cirque. Je suis dompteuse. Je travaille avec des chevaux, pas des otaries. Mais, si tu le veux, je pourrai te dresser et tu travailleras avec moi dans le cirque. Nora a été soignée par le vétérinaire et au bout de quelques jours, elle avait retrouvé ses forces.
-Viens avec moi sur la piste, dit Etoile. Nous allons voir ce que tu sais faire.
Mais, non loin de là, Etoile, une jolie jeune fille prenait un bain de soleil sur la plage. Elle a tout vu. Elle s’approche sans bruit de Nora pour ne pas l’effrayer.
Lorsque Nora est arrivée sur la plage, tous les phoques et les otaries l’ont entourée.
-Qui est-ce celle-là ? Elle ne nous ressemble pas ! D’où vient-elle ?
La pauvre Nora est secouée, battue, insultée et chassée par ces animaux en furie.
Elle réussit à se réfugier dans le creux d’un rocher et elle pleure toutes les larmes de son corps.
-Qui es-tu ? demande-t-elle.
-Nora, une petite otarie du pôle Nord.
-Que fais-tu donc si loin de chez toi ?
-La mer nous a emportées loin, maman et moi. Mais Maman a disparu. Je crois même que l’ours blanc l’a dévorée. Et moi, j’ai peur, j’ai faim, j’ai froid et je ne sais pas où je vais.
-Bon, je vois. Il faut faire quelque chose. Grimpe sur mon dos et accroche-toi. Je connais un endroit où il y a de petites otaries comme toi. Peut-être t’accepteront-elles ? Mais je devrais te laisser au large car si je m’approche trop du bord, je vais m’échouer sur le sable et je ne pourrai plus repartir. Sais-tu nager au moins ?
-Oh oui, Mama m’a appris !
-Elle a bien fait. Cela va te servir !
-Merci madame la baleine et au revoir !
Soudain, une énorme mâchoire, gueule ouverte, pleine de dents jaillit de la mer, prête à l’engloutir. C’est un requin blanc, le plus grand monstre marin ! Nora ferme les yeux et attend…
Près d’elle, elle perçoit des  bruits de lutte. Que se passe-t-il ? A quelques mètres de son glaçon, une bagarre s’est engagée entre le requin et une énorme baleine à bosse. Aussitôt, le requin bat en retraite car il sait qu’il n’aura pas le dessus face à ce mastodonte !
Nora ne sait que penser. Que va faire la baleine ? La manger ? Elle se fait toute petite. La baleine s’approche en prenant soin de ne pas faire chavirer Nora et elle l’observe avec son œil énorme :
Nora ne voit plus sa maman. L’ours aussi a disparu. Qu’est-il arrivé ?
Les heures passent. Maman ne revient pas. Très fatiguée, Nora s’endors sur son glaçon.
Lorsqu’elle se réveille, elle est en pleine mer. Elle appelle sa maman mais personne ne répond.
Nora a faim. Elle n’ose pas plonger pour pêcher. Les vagues sont si hautes et le glaçon est emporté à grande vitesse. Le voyage dure longtemps. Nora peur, Nora a froid, Nora a faim. Le soleil qui brille et chauffe de plus en plus, fait fondre son glaçon qui diminue à vue d’œil. L’angoisse la saisit Elle se met à pleurer fort, très fort.
Maintenant, chaque jour, Nora apprend quelque chose de nouveau et elle peut suivre sa maman dans l’eau sans crainte. Mais depuis quelques jours, Nora et sa maman s’endorment sur une glace qui devient de plus en plus fragile. Et un matin, elles s’aperçoivent que leur glaçon s’est détaché de la banquise et qu’il se dirige vers la haute mer, là où les vagues sont de plus en plus grosses. Soudain, une énorme masse blanche soulève le glaçon et les voilà toutes deux dans l’eau. C’est l’ours polaire !  Leur ennemi !
-Vite, monte sur le glaçon crie maman !
Nora obéit. Maman nage loin du glaçon, de plus en plus loin. L’ours se lance à sa poursuite.
-Assez pour aujourd’hui, dit maman. Maintenant, je vais t’apprendre à nager ! Viens me rejoindre dans l’eau !
Mais Nora a peur. Alors, maman la prend par la peau du cou et l’entraîne au fond de l’eau. Nora revient à la surface ; elle tousse, elle crache de l’eau. Elle ne comprend pas pourquoi maman veut la noyer.
-Mais non, je ne veux pas te noyer. Regarde, je maintiens ta tête hors de l’eau, tu agites tes petites pattes et tu vas voir comme c’est facile pour nous otaries de nager !
Nora fait ce que maman lui dit, et bientôt, elle peut nager toute seule ! Comme c’est agréable de se baigner, de nager !
-Bien, c’est tout pour aujourd’hui, a dit maman. Demain je t’apprendrai à plonger au fond de la mer pour attraper des poissons. Mais maintenant, remonte sur le glaçon. Viens te sécher et te réchauffer au soleil près de moi.
-N’aie pas peur, dit maman. C’est le printemps qui vient. Il nous envoie ses premiers rayons de soleil. Et le soleil fait fondre la banquise. Ce sont tous ces bruits que tu entends. Bientôt, nous pourrons voyager sur notre glaçon, la mer va retrouver sa liberté. Je vais pouvoir te pêcher de beaux poissons.
Quelques jours plus tard, Nora voit passer des phoques, des renards, des lapins, tous très heureux, qui sautent de glaçon en glaçon !
Maman lui a rapportée un beau poisson vivant.
-Mange-le vite ! Il va t’échapper !
Nora l’avale tout entier. Miam ! C’est bon !
Quand elle sera grande, elle ira nager et pêcher avec sa maman. Mais pour le moment, quand sa maman s’en va, elle doit rester sagement sur son glaçon et l’attendre. Mais Nora a peur toute seule, elle a froid. Nora a peur que sa maman ne revienne pas. Elle a peur du gros ours blanc, de l’ours polaire. Sa maman lui a expliquée que c’est leur plus grand ennemi et qu’il n’en ferait qu’une bouchée s’il venait à l’attraper ! 
Mais quand maman est là, Nora n’a plus peur. Elle se couche contre son ventre et elle sent la chaleur de son corps. C’est bon la chaleur ! Et puis, tous les matins, il faut y passer ! C’est l’heure de la toilette ! Avec sa patte, Maman brosse la fourrure de Nora. C’est important pour se protéger du froid. Maman soulève les poils et souffle sur sa peau.
Et l’air chaud permet à Nora de résister au grand froid. Nora se sent bien.
Quelquefois, sur la banquise, elle joue avec d’autres petites otaries. Elles glissent sur la glace, se courent
après, s’attrapent et se mordillent les oreilles. C’est très rigolo !
Mais la plupart du temps, elle dort, car Nora n’est qu’un bébé. Elle a besoin de dormir beaucoup pour grandir
vite. Et puis ça fait passer le temps, pendant cet interminable hiver polaire où il fait toujours nuit !
Mais un matin, Nora est réveillée par des bruits, des craquements, et sous ses pattes, la banquise bouge.
Elle ouvre les yeux et quelque chose lui fait mal.
Après plusieurs essais, Nora peut garder un gros ballon en équilibre sur son nez. Puis, elle s’amuse à le faire tourner, à le projeter en l’air, pour le rattraper aussitôt.
-Bravo ! Bravo ! C’est comme ça qu’il faut faire, crie Etoile. Tu es formidable ! Maintenant, je t’apprendrai à jongler avec d’autres objets.
Après des mois de dressage, Nora est capable de se produire sur la piste. Elle a appris à sauter sur le dos d’un poney au galop et à se tenir debout sur ses pattes de derrière ! Le public est ravi. Les enfants ont des étoiles plein les yeux et à la fin du numéro, elle a été acclamée par un tonnerre d’applaudissements. Nora a oublié la banquise et le Pôle Nord. Maintenant, quand elle ne travaille pas sur la piste, elle reste près d’Etoile. Et quand elle pose sa tête sur ses genoux, elle reçoit plein de caresses ! « -C’est beau la vie ! » soupire-t-elle.
FIN
Grise comme le ciel un jour d’orage ;
Grise comme les nuages de pluie
Grise comme la neige salie, grise comme la petite souris ;
Et grise comme sa maman, la grande otarie !
Nora est toute petite. Elle ne quitte pas le bord de la banquise. Heureusement que maman est là. Elle sait faire tant de choses :
Plonger dans l’eau froide pour lui ramener de beaux poissons argentés, des coquillages si brillants qu’on les croirait en or. Elle peut nager longtemps dans les eaux froides, trouver l’endroit où l’on pourra dormir en toute tranquillité.
Blanche la glace qui ne fond jamais.
Noir le dos des pingouins ;
Blanc leurs ventres rebondis.
Noir le fond de la mer ;
Blanche la banquise et les icebergs.
Noir le phoque et le morse sur la banquise blanche ;
Blanc l’ours polaire sur la glace blanche.
Et au milieu de tout ce blanc et de tout ce noir, il y a Nora, la petite otarie toute grise !
Nora est née dans le grand nord, près du pôle. Dans un pays tout blanc et tout noir :  Noire la nuit qui dure longtemps ;
NORA, LA GRISETTE DU GRAND NORD
Cliquez sur les images pour les agrandir
Cliquez ici retour
Infos des villages de l'Aude
Aujourd'hui Bonne Fête  
Le Mur deS ConteS
  de Nicole  Brunel
 
Coquette se dirige vers la mare. Tous les canards sont en train de faire trempette.
Ils font leur toilette. Ils plongent dans l’eau et l’on ne voit que leurs queues.
Les petits canetons suivent leur maman à la queue leu leu.
Coquette les appelle :
- Eh, là-bas ! Venez voir ! Regardez ce que j’ai trouvé ! Ce n’est pas un œuf de poule. Il vous appartient peut-être ?
Mais les canards font des ronds dans l’eau, ils barbotent et ils cancanent. Ils se moquent de la petite poule.
Une vieille cane s’approche tout de même. Elle examine de près l’œuf puis, elle s’exclame :
- Un œuf de cane ça ? Tu veux rire ! Il est beaucoup trop gros !  Et tu as vu ces taches brunes ?
Vas voir plutôt du côté des oies ! Et la vieille cane retourne à son bain.
Les oies ! Justement les voilà ; les oies ! Elles s’en vont à la queue leu leu en direction du pré. Coquette crie :
- Mesdemoiselles ! Mesdemoiselles toutes belles, regardez ce que j’ai trouvé ! Il appartient peut-être à l’une d’entres vous ?
Mais les oies ne lui jettent pas un regard.
Elles ont hâte d’aller courir dans l’herbe verte et fraîche du pré.
Coquette est bien ennuyée.
- Puisque cet œuf semble n’être à personne, eh bien je le garde. Je vais le couver, le réchauffer, le protéger. Il en sortira bien quelque chose ! Et ce qui sortira sera mon enfant. Il m’appellera maman. Mais il faut que je trouve au plus vite une petite maison où je serai tranquille en attendant sa naissance.
Et Coquette se met à la recherche d’un endroit toute la journée, en portant avec précaution son bel œuf.
A la fin de la journée, découragée et fatiguée, Coquette entre dans un jardin abandonné. Depuis longtemps, le jardinier est parti loin d’ici. Les herbes folles ont tout envahi. Mais au beau milieu de toute cette végétation, Coquette découvre : UN POTIRON ! Un gros, un énorme potiron tout rond.
- Ce potiron fera l’affaire. Je vais m’en faire une maison. Mais comment y-entre-t’on ? Il n’y a ni fenêtres ni porte. Je vais le creuser à l’intérieur, j’y serai très à l’aise.
Coquette se met aussitôt au travail. Elle creuse avec ses pattes et son bec. A la nuit tombée, la maison est terminée. C’est une belle maison avec une porte et deux fenêtres. Coquette recouvre le sol d’l’herbe sèche ; puis, délicatement elle dépose l’œuf, se place dessus et commence à le couver.
Elle s’endort très vite, mais de bon matin, le chant du coq l’a réveillée. Elle se met à chanter.
« Je suis Coquette la poulette
Et je cotcodette, je cotcodette
Dans ma jolie maison
Ma maison potiron. »
Vint à passer Albin le poussin.
- Oh ! La jolie maison-potiron ! Qui habite et qui chante dans cette jolie maison ?
 
L'ŒUF BLEU