Les habitants de Lamalou-les-Bains pleurent leurs morts et pansent leurs plaies tout en évacuant des tonnes de boue de leurs maisons, résultat de l’agression d’une vague de crue perpétrée par une petite rivière au nom charmant de Bitoulet, prenant sa source au-dessus de Rosis dans l’Hérault et se jetant dans l’Orb.
Le jour de la catastrophe, Lamalou-les-Bains et Sigean étaient gratifiés de la même alerte orange, avec la seule différence que Sigean n’a vu la pluie qu’à la télévision. Une alerte météo, de quelque couleur que ce soit, se conjugue sur le plan départemental, donc avec une précision plus qu’aléatoire ( il fera soleil, mais rien ne vous empêche de prendre un parapluie ). Et quid de Vigicrues, qui constitue le système central d’information sur le risque de crues et qui prévient les autorités et le public du risque dans les 24 heures à venir ? La carte de vigilance localise le niveau de danger par tronçons ou ensembles de cours d’eau du réseau hydrographique surveillé par l’Etat ( + de 21.000 km ), les niveaux d’eau et les débits sont observés en temps réel sur près de 1.500 points de mesure, ainsi que leurs variations au cours des derniers jours et des dernières heures. Pourquoi n’a-t-on pas prévenu les autorités et les habitants de Lamalou-les-Bains ? La réponse est à la fois simple et terrible : le Bitoulet n’est pas répertorié.
Pour en revenir à Sigean, et en particulier à la Réserve Africaine, il a fallu attendre que des centaines d’animaux soient noyés lors des inondations décennales de 1999 pour que la Berre soit enfin répertoriée en prenant comme crue de référence celle de 2011. Maintenant qu’hélas il y a eu des morts à Lamalou-les-Bains, le Procureur est saisi de l’affaire, et commence l’enquête sur la recherche des causes de la catastrophe et, selon la formule désormais consacrée, l’établissement des responsabilités.
On peut y répondre tout de suite.
Causes : C’est un secret de polichinelle que de conclure que l’inondation est due à un phénomène de chasse, suite à la rupture d’un embâcle.
Il convient de définir ce qu’est un embâcle : il s’agit d’un barrage « naturel » de branchages et de végétaux, ainsi que de « débris divers ».
Suite à l’inondation de la Réserve Africaine, Mr Boisart est bien placé pour donner un peu plus de détails sur les « débris divers » : pneus, sommiers, tonneaux de vin, ferraille, palettes, …On retrouve exactement les mêmes « débris divers » à Lamalou-les-Bains.
La responsabilité : Dans la fable de La Fontaine « les animaux malades de la peste », c’est le brave petit âne qui a brouté un peu d’herbe du voisin qui sera sacrifié comme grand coupable, les crimes du loup et du lion étant absouts. En France, le vilain méchant tout désigné est le maire de la commune sinistrée, qu’il soit fraîchement élu ou en poste depuis plusieurs mandats. On en arrive à des extrêmes en terme de prudence de leur part, en décrétant zones inondables, et donc inconstructibles, d’immenses espaces vierges, ainsi de tout aussi grandes superficies déjà construites et habitées depuis des décennies. Créer un camping au bord de l’eau pour y taquiner la truite sera bientôt un crime contre l’humanité.
Il faut chercher les vrais coupables ailleurs. Il y a d’abord les riverains et les habitants qui confondent rivière avec dépotoir. Comment peut-on entretenir une rivière quand on y jette plus que ce qu’on peut en retirer ? Et gare à celui qui prendrait l’initiative de rentrer de son plein gré dans le lit d’un cours d’eau pour l’entretenir alors qu’une autorité existe pour le faire.
Mr Boisart, directeur de la Réserve Africaine de Sigean, a été traduit en correctionnelle car il avait osé dégager le lit d’une rivière à sec ( le meilleur moment ) alors que cette tâche incombe au Syndicat de la Berre et du Rieu. C’est bien connu, un citoyen n’a pas le droit de se substituer à l’autorité.
Il y a aussi le laxisme des autorités communales qui négligent de draguer une rivière, un canal de dérivation ou un ruisseau. Plutôt que d’entretenir les arbres et la végétation qui bordent le cours d’eau, on laisse tout à l’abandon ou on opte pour leur destruction totale, laissant ainsi les berges s’éroder et faire remonter le lit de tonnes de vase et réduire d’autant le passage de l’eau en cas de crue. On préfère organiser un très médiatique exercice d’évacuation « au cas où » plutôt que d’attaquer le danger potentiel à la base.
On l’a bien compris, on ne peut que compter sur soi-même, et comme le bénévolat est aujourd’hui un métier à part entière, des associations de volontaires vont naître pour nettoyer en toute illégalité le lit des rivières. Œuvrer pour sauver sa peau et ses biens, et ceux des autres, va devenir un délit, mais si dans la vie on ne se limite qu’à ce qui est permis, mieux vaut ne rien faire. En attendant, dans un contexte d’inondations catastrophiques annoncées, le courage des pompiers et la solidarité entre habitants n’ont pas fini de faire les gros titres des journaux.
Reportage William Barbier